La marine française attaquée au large du Yémen!
Bravo Zulu
Published in WarshipsIFR February 2024 p14
Le 9 décembre, la frégate polyvalente Languedoc de la Marine Nationale a intercepté 2 drones volant directement vers elle à 21h30 et 23h30.
"Le 11 décembre un troisième drone a été intercepté et détruit. Il menaçait directement le pétrolier Norvegien Strinda. La FREMM s’est ensuite placée en protection du bâtiment touché, empêchant la tentative de détournement du navire" ( EMA)
Après un changement d'équipage début décembre, la FREMM faisait partie de la mission européenne EMASoH lancée en 2020, à l'initiative du gouvernement français, pour garantir la liberté de navigation dans le détroit d'Ormuz.
Il s'agissait de la première utilisation au combat du système Aster et de la première interception réussie avec un missile par la marine française.
Il s'agit d'une étape importante pour un système d'arme largement déployé et reconnu comme un système très performant mais qui, jusqu'à présent, n'avait pas fait ses preuves au combat.
En 2011, la frégate de défense aérienne Jean Bart avait été le premier bâtiment français à tirer un missile SM1 sur un hélicoptère libyen mais l'interception a été interrompue en raison de possibles dommages collatéraux.
Selon le communiqué de presse officiel de la marine française, l'interception et la destruction de ces deux menaces ont eu lieu à 110 kilomètres des côtes yéménites, près de Hodeida, un port du nord du Yémen sous le contrôle des rebelles Houthis.
Bien que le type de drone ne soit pas encore connu, le fait que le message officiel mentionne des drones et non des missiles signifie qu'il s'agissait probablement d'une cible relativement lente, d'une interception facile pour un Aster 15 volant à Mach 3.
Ce système d'arme peut intercepter plusieurs cibles supersoniques (jusqu'à 12 simultanément) de très basse à très haute altitude.
Bravo Zulu à l'équipage !
Le Languedoc a été mis en service en 2017 et a déjà eu une vie opérationnelle très chargée!
En 2018, ce bâtiment a lancé 3 missiles de croisière MdCN contre la Syrie, une autre première pour la marine française!
Ce missile de croisière est la version de navale du missile de croisière franco-anglais Storm Shadow/Scalp. Cette arme a été utilisée à plusieurs reprises par l'armée de l'air ukrainienne à partir d'un chasseur Su 24 adapté de l'ère soviétique et a récemment détruit un sous-marin de classe Kilo en cale sèche.
En 2022, le Languedoc s'est vu décerner le Hook'em Award par la marine américaine pour son efficacité dans la lutte anti-sous-marine.
L'Iran, qui a fourni des drones et des missiles aux Houtis, déploie depuis longtemps des moyens pour attaquer des navires de guerre modernes dans le golfe Persique à l'aide d'essaims de navires rapides semi-submersibles et de drones peu coûteux.
Ces dernières semaines, de nombreux cargos civils ont été touchés et des navires de guerre de la marine américaine ont été pris pour cible par les attaques.
Une recherche sur l'emplacement des ces armes est probablement en cours afin de les détruire, option beaucoup plus économique que d'attendre que ces munitions soient tirées.
Le Languedoc peut transporter jusqu'à 16 MdCN. Si une frappe de représailles est ordonnée par Paris, nous pourrions voir ce navire les utiliser à nouveau.
La menace des drones
Le commandant du Languedoc a réagi correctement à la menace avec son système de défense pour assurer la sécurité de son équipage, mais on pourrait considérer qu'il s'agit d'une réponse disproportionnée si l'on considère les 3 millions d'euros d'un Aster contre quelques milliers de dollars pour le drone.
La décision prise était la bonne, la priorité étant d'engager toute menace aussi loin que possible du navire. Mais l'utilisation de missiles très performants et coûteux contre des armes à bas prix soulève des questions de durabilité à long terme.
Un essaim de drones bon marché peut rapidement épuiser les silos à missiles du navire et le rendre vulnérable à une attaque ultérieure avec des missiles antinavires beaucoup plus rapides donc plus dangereux.
Les navires de guerre modernes sont limités par la quantité de munitions qu'ils transportent.
La Fremm Languedoc n'a que 16 Aster. Si elle venait à vider ses silos lors d'une attaque par saturation, le navire devra compter sur son l'artillerie guidée par radar:
- Canon de 76 mm OTO-Melara compact SR
- 2 canons Nexter Narwhal de 20 mm
Le tout soutenu par une combinaison de brouilleur actif R-ECM et de leurres.
Lors d'un récent exercice anti-drone, l’équipage du navire a été utilisé comme ultime rideau défensif avec leurs armes de poing. Ils participeront probablement à la défense du navire en cas de besoin.
La marine française étudie depuis plusieurs années des armes à énergie dirigée (DEW) pour répondre a la menace des drones.
En juin 2023, la tourelle laser HELMA-P 2Kw, d'une portée maximale de quelques kilomètres, a été testée avec succès à bord de la frégate française de défense aérienne Forbin lors d'un essai en mer.
La version terrestre de ce système sera opérationnelle pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024.
D'autres systèmes sont en lice dans la lutte contre les drones en mer dont le système Rapidfire, une tourelle de 40 mm avec une portée de 4 km.
C'est une technologie éprouvée et rentable initialement conçue pour les petits navires, et qui peut facilement être déployée sur des navires de guerre plus importants.
La marine française peut également choisir de monter plus de systèmes Sadral; une tourelle à six cellules équipée de la dernière version du Mistral mk3 avec un autodirecteur à imagerie infrarouge, déjà déployés sur plusieurs navires de guerre français.
L'autodirecteur est suffisamment sensible pour être utilisé contre les drones et des petites embarcations.
Avec une production mensuelle de 40 missiles en raison de son succès commercial, il est facilement disponible.
Si les navires français sont régulièrement pris pour cible par des drones, un programme d'urgence aboutira probablement au déploiement d'une combinaison des solutions susmentionnées afin d'améliorer la capacité de survie des ses bâtiments.
Il me semble cependant que la portée des armes à énergie dirigée reste un problème majeur.
Avec une portée pratique de quelques kilomètres, il ne s'agit que d'une arme de dernier recours (CIWS) car tout dysfonctionnement ne laisserait pas à l'équipage un temps de réaction suffisant pour engager la cible avec un missile ou un canon.
Seule une amélioration massive de la portée (20/30+ km) permettrait à ce système de remplacer les systèmes de missiles Aster ou Aegis.
Mais quand on veut, on peut ! La société israélienne Rafael est sur le point de déployer son tout nouveau système laser Iron Beam. Sa puissance atteindrait 100 kW, voire plus. Il peut focaliser un faisceau du diamètre d'une pièce de monnaie à une distance de 10 km.
Ce qui est sûr, c'est que la prochaine génération de navires de guerre incluera de telles armes dès le stade de la conception.